Albéniz et Soler : un CD de Sylviane Deferne

La grande pianiste Sylviane Deferne (lien:. http://www.sylvianedeferne.com )vient de publier un nouveau CD consacré à Isaac albéniz et au Padre Soler, tous deux compositeurs catalans. Voici la texte de la plaquette.

ISAAC ALBENIZ

Isaac Albéniz a essentiellement écrit pour son instrument et l’on peut diviser son œuvre en trois périodes.

La première pendant laquelle il produit des musique de salon ( Mazurka, Valses et autres Barcarolles), la deuxième se réfère à sa rencontre avec Felip Pedrell qui l’initie au folklore espagnol. De cette période (1883-1892) datent les pièces inspirées par l’Espagne ( Souvenirs de voyage, Suite Espagnole, Chants d’Espagne ou encore Danses espagnoles…).

La troisième débute en 1892, lorsqu’il rencontre d’Indy. Une véritable métamorphose se produit alors. Il se détourne du caractère salonard de ses précédents ouvrages pour cultiver une musique innovatrice, toujours espagnole, mais où les contrepoints les plus hardis, les harmonies les plus audacieuses, pimentées d’accaciaturas mordantes se mêlent à une invention mélodique très personnelle qui puis aux sources du folklore, folklore imaginaire comme on l’a dit de Bartók. De cette écriture dense et originale naîtront les quatre cahiers d’»Iberia« , éblouissant chef d’œuvre qui figure parmi les plus beaux recueils de piano à côté des Préludes de Debussy, des 20 Regards sur l’Enfant Jésus de Messiaen ou du «Gaspard de la Nuit» de Ravel.

 A côté de ces douze pièces universellement connues de la troisième période, on trouve en ordre dispersé des ouvrages non moins remarquables qui font l’objet du programme que nous vous présentons.

 La Vega, du nom de la rivière arrosant Grenade, fait partie d’une suite qui n’a jamais vu le jour et qui aurait été censée porter le titre d’ »Alhambra». Une oeuvre forte, presque symphonique, d’une difficulté redoutable -ce qui explique peut-être que les pianistes l’aient délaissée-, dans laquelle le fameux «Duende» ou envoûtement décrit par l’écrivain espagnol Frederico Garcia Lorca se révèle avec intensité et flamme.

 «Azulejos» se réfère à l’art des panneaux faits d’assemblage de carreaux de faïence bleue si typiques de l’art ibérique. Une oeuvre toute en transparence, dont les couches harmoniques et mélodiques superposées offrent une profondeur et un relief étonnants. Pièce non achevée d’Albeniz dont la fin proposée par Granados a été remplacée ici par une version inédite de votre serviteur.

 Puis la célèbre «Navarra» , un morceau brillant également non achevé.Puissante évocation, d’une virtosité redoutable, cette pièce jaillissante envahi l’espace sonore par son exubérance, ses coulours éclatantes et la générosité des harmonies, au seins desquelles se développent d’admirables thèmes chantants et emportés. Nous vous proposons ici une fin originale et différente de la version de Séverac habituellement jouée, une fin qui reprend des éléments de la partiton originale.

 Les «quatre mélodies» sur des textes de Francis Coutts appartiennent à la meilleure veine de l’auteur. Malheureusement, les textes sont au mieux niais, au pire imbuvables… L’original anglais colle si mal avec la musique d’inspiration espagnole qu’on ne peut le présenter sans provoquer les rires… d’ailleurs la platitude de la version française en interdit l’exécution.

L’adaptation pour piano seul que Jean-Philippe Bauermeister nous propose ici permet judicieusement de retrouver la veine mélodique et l’inspiration colorée de ce génie à part qu’est Isaac Albéniz. De plus il jaillit de ce musique une profonde émotion qui trouve son point culminant dans la troisième mélodie, douloureuse, mélancolique, avec un charme harmonique envoûtant. La quatrième renoue avec l’Espagne, on y entend en effet les sonorités de la guitare et les accents mélodiques ibériques. Quant aux deux premières, l’inspiration généreuse du compositeur les nourrit de coloris séduisants et de contrepoints pleins de sève qui soutienne une veine mélodique toujours riche.

Ajoutons ici qu’on ne peut regretter que notre cher Albéniz ait consacré une part importante de son énergie aux opéras anglais qui lui a commandés son généreux mécène Francis Cout, une énergie qui lui aurait permis d’écrire d’autres chefs-d’œuvre pour son instrument…

 Courte biographie.

Né dans une petite bourgade proche de Girona, Albéniz a tôt fait d’apprendre le piano en autodidacte et se produisit à l’âge de 4 ans (!) à Barcelone avec un éclatant succès. Monté à Paris puis à Bruxelles avec sa mère, il se fait surtout remarquer par sa mauvaise conduite. Adolescent il s’embarque pour l’Amérique du Sud en gagnant sa vie comme pianiste à bord des transatlantiques..

De retour en Europe, on le retrouve à Berlin, puis il rencontre Liszt qui trouve inutile de lui donner des leçons. Il retourne pendant quelques temps à Barcelone, puis s’établit à Londres où il fait la connaissance de Francis Coutts auteur de livrets d’opéras. Il mettra en musique en particulier un «Merlin» de cet auteur

Il s’établit définitivement à Paris où il rencontre Vincent d’Indy (1892). Il donne des leçons à la Schola Cantorum et fréquente Fauré, bientôt Debussy et Ravel et se fait l’ambassadeur de la musique espagnole. Il décèdera prématurément en 1909 à Cambo-les-Bains en 1909 à l’âge de 49

Trois Sonates du Padre Soler.

 Etonnant personnage que ce «Padre Soler», de son vrai nom :Antonio Francisco Javier José Soler Ramos,qui vécut du 3 décembre 1729 au 20 décembre 1783 et qui nous laisse plus de deux cents Sonates pour clavecin, 130 «Villancianos»,(une sorte de chants de Noëls à l’image des «Christmas Carols» anglais) plusieurs concertos pour deux orgues (véritable rareté proprement espagnole, seul pays où il est relativement facile de trouver deux orgues dans une église), de la musique de chambre et de la musique chorale.

Né dans la province de Gérone, ainsi qu’Albéniz, il fait ses études à l’Escolania de Montserrat, avant de d’entrer dans les ordres des «Hiéronymites».Il se fixera alors au couvent de San Lorenzo de l’Escurial où il finira ses jours.

Sa musique, longtemps oubliée, est revenue sur le devant de la scène après qu’on ait sorti de l’oubli son «Fandango» pour clavecin, sans doute une œuvre apocryphe…Il n’en reste pas moins que ses «Sonates» où l’on sent l’influence de son compatriote Scarlatti( Naples était alors possession espagnole) dont il fut l’élève, sont des œuvres pleines d’invention et de vitalité. Par «sonate» il faut entendre ici le sens premier de «faire sonner» l’instrument. Pétillantes et allègres, les Sonates du Padre Soler «sentent bon» comme le disait Debussy à propos de la musique de Déodat de Séverac.

JPHB

ces Cd peuvent s’obtenir par notre truchement (commander par courriel à l’adresse suivante: contact@bauermeister-vins.ch)